Lausanne: singulier Jean Schoumann
 
Qu'importe le motif, puisque seule compte ici la motivation. Chez Jean Schoumann, celle-ci
procède tout à la fois d'une ardeur et d'une nécessité.
En ces termes Philippe Piquet saluait, en 2000, le travail de l'artiste parisien aujourd'hui septuagénaire, qui expose depuis bientôt 40 ans, principalement en France, en Allemagne, en Belgique et aux USA. ll est invité des mi lévrier par la Galerie de
Grancy a Lausanne, grâce au coup de cœur d'Anne Vo-Thi.
Il a quelque chose de fascinant dans cet art à la fois foisonnant et maîtrisé, quelque chose de très actuel au fond, même si Schoumann refuse de voir assimiler son œuvre à un mouvement, a une mode. Ce qu'on devine d'emblée, c'est l'esprit d'organisation
d'un plasticien qui jadis a commencé par le dessin, l'affiche publicitaire et la caricature. ll n'a pas honte d'avouer avoir sorti des livres d'enfant (en 1968, Le Général raconté aux enfants, et puis La Grande aventure de Spermato). Il a un goût inné pour la mise en
images.
Il ne se voyait certes pas encore réaliser de grands tableaux fourmillant de motifs et de signes organiques ou totémiques, présentant peut-étre une certaine analogie avec ce qu'on nomme l'art singulier, pour ne pas parler d'art brut. On y trouve en tout cas un
appétit goulu pour remplir l'espace, pour peupler l'univers de ses petites créatures. Une soif communicative de créer, de vivre.
Dans l'esprit de Schoumann, pour constuire, il faut d'abord détruire, réduire à l'état élémentaire, afin de rassembler dans une manière neuve: c'est en cela que cette démarche apparaît contemporaine - tout en restant originale, en marge.
Son travail commence a la papeterie, où il acquiert des papiers japon, principalement, et puis des bristols, des cartons. ll va d'abord écrire dessus, d'une écriture spontanée, faite de signes et de personnages plus ou moins figuratifs, et puis il va froisser le tout,
découper, déchirer en petits morceaux, en lanières, pour coller, marouller, de manière à créer des fractions d'univers en soi, exprimant le frémissement des mouvements élémentaires. Cela peut devenir des tableaux atteignant 200 x 160 cm, ou bien de petits formats. Il colle ces papiers très fins sur différents supports - cela peut être une assiette en carton, de la porcelaine, un pot de fleur, ou bien même une sculpture africaine (une copie, bien sûr). N'oublions jamais. chez jean Schottmann, une ironie critique fondamentale, qui peut d'ailleurs donner naissance à des travaux plus «difficiles»,
en noir, intéressant une clientèle d'architectes d'intérieur.
Toutes ces œuvres, au demeurant, témoignent d'une telle frénésie, d'un tel mouvement, qu'elles sont capables de parler à tout un chacun, qu'il aime ou non l'art non figuratif: telle n’est pas la question. Ici, c'est le caractère foisonnant de Pélémentaire qui
compte, sorte d'intuition plastique de l'agitation présidant à la structure brownienne de notre réalité matérielle.
Art singulier ou non, c'est un peintre très singulier: jean Schoumann nous déclare d'emblée passer plus de temps dans sa corbeille à papier qu'au chevalet! «j'ai 73 ans, mais je ne suis pas a la retraite, je m'accroche à mes pinceaux», dit-il, toujours doué
d'une inlassable imagination.
 
Pierre Hugli pour PHARTS
 
"Les Noces de gingembre" de jean Schoumann
Critique paru dans le magazine "Lui"
 
"Les Noces de gingembre" de jean Schoumann
 
Avant d’être écrivain, Jean Schoumann est d’abord peintre. Même s’il ne le disait pas dès les premières pages, cela se sentirait rien qu’à sa façon de manier le stylo comme un pinceau.
Après sept ans d’amour-toujours, Pierre se retrouve seul, amputé de cette autre moitié de lui-même :Eloïse ne l’aime plus. Alors, il s’en va robinsonner sur un rocher, s’isole entre sa chienne, l’amitié de son copain Maxime et quelques bonnes bouffes, parce qu’il est bien connu qu’on est toujours moins malheureux l’estomac plein que l’estomac vide. La solitude, relative, l’aidera à mieux oublier son amour mort et à accoucher de ce morceau de vie qui lui reste à vivre sans elle. Torturés, cabossés, remis à neuf, les mots de Schoumann sculptent les souvenirs sans mièvrerie.
Le peintre a donné naissance à un écrivain.
 
Jean Schoumann: détail Graphomania
C'est la femme qui le menait à l'écriture. Pages tracées au pinceau tout fin, tout blanc, phrases interminables, presque illisibles. Ses tropiques sont trop proches pour être exotiques. Pourtant,Déclarations. Des intentions den-ière la ouate du silence. L'un désire l'autre. La fonnule ne s'inverse pas forcément. Qui croire?  On
recommence depuis le début comme dans les répétitions de musique.
Impossible de raccorder dans le mouvement : ce qui est interrompu ne se ressoude pas.
L'écriture devient femme. Partant de son sexe, les mots se libèrent, ils se développent en volutes, ils s'exhibent sur une courbe à la forme de mamelon, ils glissent le long d'une diagonale, à l'endroit où le grain de la peau est plus lisse encore, là où les essences sont liqueurs.
 
De toile en toile, de détail en détail (on notera dans le coin droit de l'oeuvre un post-sciptum pour un destinataire absent). La parenthèse est mince. Par pudeur. Mais elle raconte l'arythrnie du coeur.
 
Ses tropiques sont trop proches pour être exotiques. Pourtant apparenté surréaliste, naîf, militant de l'art brut, il en a défriché les terres, il en a sillonné des étoiles.
Après 25 ans de pratiques-25 ans de peinture-il a raconté la femme en long en large et par le mitant du corps. Cent, cent mille fois...peut-être plus. Un éloge de peu de signes, mais serrés, volontaires.
 
Ces toiles-là sont des graffitis humains-transparences-résurgences- couleur après couleur, souvenir du souvenir. L'atroce côtoie le tendre, sans forcer la note, sans élever le ton.
Cette peinture est une série de formats autohiographiques...à l'autobiographie comme on dit à l'identique. Qui peint, qui écrit, qui sculpte, qui musique, autobiographise. A longeur de temps. Dire ce qui est serein, trouver une syntaxe aux couleurs, un rythme à la toile, exprimer le mouvement, le plein, le délié...La peur aussi. Des peurs  infmes accolées comme des cordes vocales qui s'assèchent. Paysage quotidien du peintre avec angoisse et fou-rire.
Non content d'inventer les formes, il se réécrit. On reprend depuis le début...D'une traite, il se dévide. tout lui vient, tout remonte en surface. Formes et écritures se complètermt. se répondent, ses personnages, largués par les rêves, trouvent une place dans l'encadrement de la toile. Luttent contre le temps. Contre la solitude.
 
Jérôme CAMILLY, écrivain.
 
 
 
détail SchoumannArmel Heliot pour Le Figaro.
"Graphomania". Schoumann, papiers froissés.
 
Ses étoiles, au ciel, ont le doux froufrou du papier que l'on froisse après l'avoir déchiré. Jean Schoumann a trouvé sa manière d'après sa matière. Il est homme de la lettre avant d'être plasticien et s'il intitule sa nouvelle exposition, galerie Déprez-Bellorget, "Graphomania" c'est bien parce qu'il ne peut concevoir un tableau sans la palpitation d'une écriture que lui seul, peut-être, peut déchiffrer.
Papiers, belles feuilles aux trames diverses, nervures, réseau de veinules. Tout commence à la papeterie !
Mais ne croyez pas que Schoumann soit sage enfant: la surface n'est là que pour aller grand train. Vivacité d'une écriture automatique, jamais en position de palimpseste, mais au contraire, toutjours présente, toujours visible  sinon lisible même après la traitement: décherer/froisser.
Il y a dans ce très séduisant travail, le dialogue ouvert et clair d'une intuition, d'une affectivité et de la longue patience de la recomposition. Déchirer, froisser,coller, composer. Petit point. Aléas. Ce qui donne à ces "paniers marouflés" leurs singularité, c'est l'influx nerveux de l'artiste qui change de rythme, de
registre. A nu ou protégés par des vitres, des caissons, les tableaux vibrent selon l'intensité de jour, ondoyants et divers, vivants.
Différence et répétition. Il y a quelque chose de profondément musical dans la manière de Jean Schoumann et on l'éprouve particulièrement en allant d'une pièce à l'autre, traquant ce qui unit et sépare. Etrange sentiment parfois, d'entendre littéralement bruire ces surfaces du camaïeu de gris ou de beige retenant le noir de
l'encre de Chine, aux éblouissantes couleurs des bleus, des rouges, des jaunes. Et parfois, comme filet jeté sur la surface qui vibre, giclées et traits de peinture et d'encre, rets idéal qui contient ces petits papiers fragiles s'effilochant comme comètes dans un ciel d'été.
Douces rugolisités qui s'apaisent dans ces assiettes belles comme les porcelaines les plus translucides, leurre éblouissant, ponctuations dans un parcours dédié.
 
Armel Heliot pour Le Figaro.
Comme un scarabée d'or...
 
Pourquoi donc un artiste aussi sensible et généreux que Jean Schoumann s'acarne-t-il à tant vouloir mettre en pièces tout ce qui tombe sous la main ?
Qu'est-ce donc que cette rage qui le pousse à déchirer , déchiqueter, voire détruire, tout ce qu'il fabrique lui-même, péniblement, laborieusement, des heures durant dans le fatras de son atelier ? Vrai, il y va d'une attitude singulière qui échappe à l'entendement. Non qu'elle soit indicible mais elle déroute parce qu'elle évoque davantage la conduite d'un animal que celle d'un humain.
Jean Schoumann fait de l'art comme le scarabée d'or-si cher à Jean-Henri Fabre- roule indéfiniment sa boule. Il peut faire beau, venter ou pleuvoir, rien ne semble l'atteindre. Sourd à tous les vents coulis à la mode, il n'a de cesse de filer et défiler le fil d'Ariane qui le retient au ventre de la terre. Qui l'y rattache de façon existentielle. Il en fait toutes sortes de pelotes et de dessins sublimes, comme celui-ci passerait sa vie à peindre les ombres entiers naturels ou celui-là à faire des empreintes de pinceau n°50 à intervalles réguliers de 30 cm.
Chez ces gens-là, l'art est question de survie.  Il y va tout à la fois d'une panique et d'un rituel, d'une obsession et d'une dicipline, d'une angoisse profonde et d'une jouissance extrême. Eros et Thanatos confondus. La vie, l'amour, la mort. De l'art ? Du monde ? De soi ? Bien difficile à dire.
Qu'importe le motif puisque seule compte ici la motivation. Chez Jean Schoumann, celle-ci procède tout à la fois d'une ardeur et d'une nécessité. Elle se conjogue sur le mode empirique et se décline au temps universel tant il y va de l'instruction d'un langage simple, quasi rudimentaire dans tous les cas immédiatement accessible. Une sorte d'espéranto plastique, qui assure tout échange avec l'autre.
 
Philippe Piguet
Jean Schoumann a fait une belle carrière avec, depuis longtemps, ses collectionneurs et ses suiveurs fidèles et exigeants.
 
Au départ, il ne se voyait certainement pas créateur de grands tableaux épurés, presque minimalistes. Car c’est un dessinateur-né, plein d’élan, de fougue, d’humour et d’imagination. Il a d’ailleurs illustré des livres d’enfants et exercé son talent dans la publicité, côté humour. Encore aujourd’hui il ne peut s’empêcher de s’amuser, de temps en temps, sous forme de croquis de personnages très enlevés et en clin d’œil qu’il incorpore dans certains de ces collages. Ou il maroufle ses dessins style art brut et hauts en couleurs sur des statuettes et des assiettes.
 
Et là, il ne rechigne pas à la besogne. Que ce soit pour remplir des mètres et des mètres de beaux papiers Japon d’une élégante écriture imaginaire — des signes de l’écrit — qui subiront le sort d’autant d’assiettes en carton: être déchirés ou découpés en mille petits morceaux ou en lanières. Pour renaître ensuite sur des toiles. Pas au hasard, mais savamment disposés, en relief ou à plat. L’artiste joue, comme dans notre exposition, de ce dialogue entre le plat et le relief, la couleur sombre et la couleur claire. D’autres critères enrichissent son travail de collagiste: la couleur, vive souvent, ou les tons neutres, blancs, noirs, nature. La dimension et la densité des fragments de papier changent aussi, comme changent les formats de ses toiles.                 
                                   
Extrait d’un texte de Gisela Arnaud-Schroder
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JEAN SCHOUMANN
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